Désormais, nous sommes lancés dans le débat et je trouve que cette interview sur le fond dans le Monde, donne un éclairage intéressant sur les prises de position de Laurent Fabius.
Il manque néanmoins, et je crois pour les trois candidats, que derrière les mots, apparaissent maintenant, des propositions concrêtes, qui nous montrent comment ils souhaitent mettre en musique leurs interpretations du projet socialiste....
Interview de Laurent Fabius, dans le Monde du 10/10/2006
La Corée du Nord vient de procéder à un essai nucléaire. Cette situation internationale oblige-t-elle à redessiner le portrait du président de la République de demain ?
En tout cas, c'est quelqu'un qui devra avoir les nerfs solides, une expérience internationale forte, d'autant plus que la France est membre du Conseil de sécurité des Nations unies, et d'autant plus que le chef de l'Etat a à sa disposition l'arme nucléaire. A la tête de l'Etat, il faut une personne qui soit sage, calme.
Vous avez coutume de dire que Nicolas Sarkozy est quelqu'un d'agité. Cela le disqualifie-t-il ?
J'ai dit que pour présider la République, il faut d'abord se présider soi-même. Je combats les idées de M. Sarkozy sur le fond, car c'est un homme ultralibéral, je suis socialiste ; il est communautariste, je suis laïc républicain ; il est bushiste, alors que je suis européen et pour l'indépendance nationale.
Au-delà de ces positions de fond, je crois ne pas être le seul à constater parfois une espèce d'agitation. Je pense que cette haute fonction demande une personne calme.
Ségolène Royal fait l'analyse que le vote du 21 avril 2002, comme d'une certaine façon le non à la Constitution européenne, reflète un malaise de l'identité française, et elle exalte la nation. En êtes-vous choqué ?
La nation, ce n'est pas la propriété de tel ou tel parti politique. Mais il faut faire attention à ne pas permettre qu'il y ait une dérive, une perversion ou une mauvaise interprétation. Pour moi, la nation, c'est la République. Les deux notions sont toujours liées. Il ne faut pas dériver de la nation vers le nationalisme. Rappelez-vous la formule de Mitterrand utilisée dans son dernier discours émouvant devant le Parlement européen : "Le nationalisme, c'est la guerre."
Les partis d'extrême gauche peinent à réunir les 500 signatures nécessaires à une candidature à la présidentielle. Faut-il les aider et appeler les maires à signer pour eux ?
Nous avons pris une règle assez logique, que je soutiens : les élus socialistes vont soutenir le candidat socialiste. Nous avons des partenaires traditionnels : les communistes, les radicaux de gauche, les amis de Jean-Pierre Chevènement, etc. Il faut avoir une discussion avec eux pour essayer de bâtir une plate-forme commune. Nous ne serons pas d'accord sur tous les points. Il faut un contrat. (...) Pour ce qui concerne l'extrême gauche, c'est différent. Ils ont toujours dit qu'ils ne voulaient pas aller au gouvernement. La question qui leur sera posée : au deuxième tour de scrutin, s'il y a un candidat de droite et un candidat de gauche, préfèrent-ils assurer la victoire de la droite, ou celle de la gauche.
Imaginez-vous encore Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle face, éventuellement, à un candidat de gauche ?
J'ai eu récemment une réunion intéressante avec des maires de mon département. Les maires ont en général une très bonne perception de ce qui se passe sur le terrain. Je suis dans une zone très industrielle, ouvrière.
Beaucoup d'entre eux me disaient que ce qu'ils entendaient, c'est une thématique d'extrême droite. Cela m'inquiète beaucoup. D'autant plus que le ministre de l'intérieur, M. Sarkzoy, par un paradoxe, est en train d'alimenter cette thématique d'extrême droite en faisant tout pour placer les débats sur le terrain de la sécurité.
Vous dites qu'il le fait délibérément ?
Je le crains. Car lui-même se dit qu'il va être affronté au candidat socialiste au deuxième tour, qu'il doit récupérer l'électorat de l'extrême droite, et donc il va prendre un certain nombre de positions sur la sécurité, sur l'immigration. Et en faisant cela, il alimente le vote d'extrême droite. Selon la formule de M. Le Pen, les gens préfèrent l'original plutôt que la copie. D'autant plus que M. Sarkozy est d'une "inefficacité crasse". C'est extraordinaire de voir que ce ministre est chargé de la sécurité depuis quatre ans, et jamais il n'y a eu autant d'atteintes aux personnes.
Vous voulez dire que M. Sarkozy crée les conditions d'un Le Pen à nouveau au second tour ?
En échouant sur la sécurité, tout en prenant des recommandations qui sont proches de celles du Front national, M. Sarkozy, qui devrait être un facilitateur et un homme de solutions, alimente le feu. C'est pour cette raison que je lui en veux. (...) Pour ce qui concerne le Parti socialiste, je demande que nous ne courions pas après M. Sarkozy, qui, lui-même, court après M. Le Pen.
Si vous échouez, participerez-vous à un gouvernement si la gauche gagne la présidentielle ?
J'ai déjà occupé beaucoup de fonctions. Dans cette circonstance, il y aura besoin de prendre des gens nouveaux. En revanche, j'ai dit que si je suis investi et élu, je demanderai à mes compétiteurs et à d'autres d'apporter leur talent dans mon équipe.
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