A suivre les répercussions de l'initiative de Marie-Noelle Lienemann, députée européenne socialiste, ancienne ministre du Logement,
Lettre au Président de la République
Le 28 décembre 2006
Monsieur le Président de la République,
Vous avez souhaité une révision de la constitution pour y inscrire l’abolition de la peine de mort. Cette initiative va faire l’objet d’un projet de loi qui sera, très rapidement, soumis aux assemblées. Je me permets de vous demander solennellement, d’y ajouter l’introduction du droit au logement comme droit constitutionnel, effectivement garanti par la puissance publique, c'est-à-dire opposable.
Vous avez souhaité solenniser l’engagement de la France contre la peine de mort, et je comprends ce souci d’ancrer dans nos textes fondamentaux cette avancée humaniste. Il serait tout aussi légitime, et sans doute nécessaire, d’amener notre pays à ce grand progrès humain : le droit à un logement décent pour tous !
Vous le savez bien, depuis longtemps, de très nombreuses personnes sont sans domicile fixe. Plus largement un nombre important de nos concitoyens sont mal logés, ou en grave difficulté de logement. En ce début de 21ème siècle, la France, pays des Droits de l’Homme et du Citoyen doit, enfin, reconnaître le droit au logement comme un droit fondamental, un droit assuré à chacun quelque soit sa situation. Un tel objectif, est à la portée de notre pays, l’un des plus riches du monde.
Nos textes qui forment ce que l’on nomme le « bloc constitutionnel » font référence au logement et le conseil constitutionnel, a estimé, il y a plus de dix ans déjà, que le droit au logement était un objectif à valeur constitutionnelle, ce qui, au demeurant, est moins fort qu’un droit constitutionnel, en particulier par comparaison avec le droit de propriété. L’inscription de ce droit et de son effectivité garantie par la Nation serait non seulement un signal fort, imposant des législations ultérieures pour sa mise en œuvre, mais elle serait aussi de nature à assurer la mobilisation et la responsabilité de toutes les collectivités publiques qui doivent avec l’Etat s’engager à cette fin.
L’annonce régulière de dispositifs, de plan d’actions, de moyens supplémentaires ne suffisent pas. Il faut être sûr que le but puisse réellement être atteint. L’obligation de résultat, inscrit dans la Constitution représenterait un objectif contraignant pour tous les acteurs publics et un grand espoir pour ceux qui peinent à se loger.
Je me permets d’insister sur l’universalité de ce droit - droit au logement et non pas seulement un droit à l’hébergement - car au-delà de celles et de ceux qui sont sans toit, il ne faut pas oublier ceux qui vivent dans un habitat insalubre ou indécent, qui subissent une cohabitation forcée, ou habitent dans des espaces trop petits pour assurer une vie de famille. Même s’il est bien naturel de se préoccuper prioritairement des plus fragiles, les autres doivent aussi trouver des réponses, assurant leur dignité et une vie normale.
Notre République ne peut être vivante, convaincante pour les jeunes générations qu’à travers des progrès permanents dans la défense de ses valeurs et l’extension des droits fondamentaux garantis.
On le voit davantage chaque hiver, l’impuissance des politiques à résoudre cette indignité nationale érode la confiance de nos concitoyens en notre modèle républicain et en leurs élus. Mais, bien que moins visibles, des situations inacceptables existent toute l’année, dans notre pays ; l’augmentation du nombre des expulsions en est un exemple. Elles entament la solidarité et la cohésion nationale. Cela ne saurait durer.
N’ayons pas peur des grands défis à relever. Quand Jules Ferry a instauré l’instruction publique gratuite, laïque et obligatoire, il a fallu des efforts conséquents et prolongés qui n’ont pas pu, d’un coup de baguette magique, créer partout des écoles. Mais l’objectif était contraignant et l’intendance a suivi. Le temps est venu qu’elle suive, pour le droit au logement.
Je vous remercie, par avance, Monsieur le Président de la République, de l’attention que vous pourrez porter à ma requête et je vous prie de croire à l’expression de ma très haute considération.
Marie-Noëlle LIENEMANN
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Rédigé par : denis | 04 janvier 2007 à 18:38