Un discours particulièrement édifiant de Ted Kennedy sur la situation en Irak. Sans doute l'age et l'absence d'ambition présidentielle pour 2008 rendent-ils plus percutants et moins, disons, "langue de bois", cette parole de démocrate américain, qui dans un parallèle percutant avec le Vietnam démontre la bêtise de l'escalade militaire que semble vouloir privilégier Georges Bush.
Pour les anglophones ou apparentés, bonne vidéo.
La colère du sénateur démocrate Ted Kennedy
Peut-être fallait-il quelqu'un qui ne soit pas candidat à l'élection présidentielle de 2008 ? La voix caverneuse du sénateur Ted Kennedy s'est élevée, mardi 9 janvier, dans la grande salle du National Press Club. "L'Irak est le Vietnam de George Bush, a-t-il dit. Et comme au Vietnam, la seule solution rationnelle est politique, et non pas militaire. Injecter plus de troupes dans une guerre civile ne changera rien."
Sénateur depuis quarante-deux ans, Ted Kennedy avait prévu de tenir une conférence de presse sur l'assurance-santé. Depuis la victoire démocrate, il préside la commission des affaires sociales du Sénat. "J'en parlerai un autre jour, a-t-il dit. Aujourd'hui, un sujet de la plus haute importance demande une action immédiate." Certains démocrates avaient été tentés de laisser le dossier irakien à l'administration, pour se concentrer sur leurs projets d'augmentation du salaire minimal et de sécurisation des ports du pays (adopté mardi). Pas Ted Kennedy. L'Irak "est le sujet primordial de notre époque, a-t-il répété. Des vies américaines, des valeurs américaines et l'honneur de l'Amérique sont en jeu". Alors que les démocrates s'interdisent de couper les fonds pour la guerre, de crainte de se rendre impopulaires, le sénateur a annoncé l'introduction d'un projet de loi empêchant le président Bush d'envoyer des troupes supplémentaires en Irak sans l'approbation du Congrès.
"Les Américains ont clairement dit, en novembre, que nous devons changer de politique et commencer à retirer nos troupes, non pas augmenter les effectifs. Une escalade serait une nouvelle erreur immense
, a poursuivi M. Kennedy. Nous ne pouvons pas nous contenter de nous déclarer "contre". Nous devons nous y opposer."Le sénateur, dont le frère aîné John F. Kennedy a engagé les Etats-Unis dans la guerre au Vietnam, a fait référence au conflit qui hante l'Amérique. "Ecoutez ce haut responsable américain", a-t-il dit, avant de lire une citation dans laquelle revenait la nécessité de "garder le cap" sinon "les forces du chaos se répandraient sans fin". "Ce n'est pas le président Bush qui parle, a-t-il ajouté : c'est le président Lyndon Johnson, il y a quarante ans, ordonnant le déploiement de 100 000 soldats américains supplémentaires au Vietnam." Quand le sénateur a terminé son discours, l'assistance s'est levée pour applaudir. Le soir, le correspondant du journal télévisé d'ABC News a résumé le discours : "Le lion a rugi", a-t-il dit.
A vingt-quatre heures du discours du président Bush, dans lequel celui-ci devrait annoncer l'envoi de 20 000 soldats supplémentaires en Irak, la pression est soudain montée sur les démocrates. La gauche antiguerre a lancé des manoeuvres quasi désespérées auprès de ses militants pour tenter d'empêcher l'"escalade". La coalition United for Peace and Justice a annoncé des manifestations, jeudi. L'ancien sénateur et blessé de guerre Max Cleland a lancé un appel au nom des victimes auxquelles il avait rendu visité dans la journée à l'hôpital militaire Walter-Reed à Washington. "Je ne peux pas croire que, après que les Américains se sont exprimés fortement, après que le groupe d'étude sur l'Irak a recommandé plus de diplomatie, on s'achemine vers une escalade militaire." Selon un sondage Gallup-USA Today, 61 % des Américains désapprouvent l'idée d'augmenter les effectifs des troupes. Le taux d'approbation de l'action de M. Bush en Irak est au plus bas, avec 26 % d'avis favorables.
Les démocrates ont la possibilité de demander un réexamen de l'autorisation de guerre de 2002, arguant du fait qu'elle ne prévoyait pas d'implication dans une guerre civile. Mais, pour l'instant, l'état-major prévoit des auditions et un vote d'ordre "symbolique", comme l'a souligné le sénateur Harry Reid. Ted Kennedy a néanmoins indiqué qu'il demanderait un vote sur sa proposition. Alors qu'il parlait, le Pentagone faisait savoir que les troupes supplémentaires étaient déjà en partance. La deuxième brigade de la 82e division aéroportée, qui avait été mobilisée fin décembre, est déjà au Koweït, prête à partir pour Bagdad. Corine Lesnes
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